Abstract

Today, both Louisiana and QuĂ©bec are at sociolinguistic crossroads; in Louisiana, French has become a niche language that is being increasingly dominated by other minority languages such as Spanish and Vietnamese, and in QuĂ©bec, leaders are fighting to maintain the region’s homogenous francophone identity, even as the effects of globalization and anglophone predominance in North America become increasingly prevalent in their daily life (Acutrans). Out of these challenging circumstances has emerged a common interest in revitalizing the French language at the regional level, whether this be through education, arts, or academics. This paper analyzes the historical, cultural, and political nuances of QuĂ©bec and Louisiana’s language preservation efforts and concludes that the French language and francophone identity can be best preserved in North America through interregional francophone partnerships. To date, collaboration between QuĂ©bec and Louisiana on French language initiatives has been most effectively achieved through sociocultural initiatives that rely on government support for growth and durability. Yet, the persistent lack of interregional political consensus on linguistic policies implies that progress toward joint French language preservation will continue to be driven primarily by the private sector and will likely remain limited in scope. This paper argues that QuĂ©bec and Louisiana can best promote the French language at the interregional level by investing in community-level initiatives that require little political support to have a broad impact, such as university exchange programs, theatrical performances, or literary forums.

Unifier la francophonie nord-amĂ©ricaine : une exploration du passĂ©, du prĂ©sent et de l’avenir de la collaboration QuĂ©bec-Louisiane pour la prĂ©servation de la langue française

Introduction

Le QuĂ©bec et la Louisiane sont deux des rĂ©gions francophones les plus importantes d’AmĂ©rique du Nord. Leur histoire est intimement liĂ©e depuis la fin du XVIIe siĂšcle, lorsque l’explorateur canadien-français RenĂ©-Robert Cavelier de La Salle a revendiquĂ© le territoire entourant le bassin hydrographique du fleuve Mississippi au nom du roi de France Louis XIV (Rech). Plusieurs siĂšcles d’échanges linguistiques et culturels ont conduit les deux rĂ©gions Ă  dĂ©velopper une relation francophone Ă©troite qui a Ă©tĂ© dĂ©crite par la mĂ©taphore familiale du « grand frĂšre QuĂ©bec » et de la « petite sƓur Louisiane » (Henry 71). Cependant, Ă  partir de l'intĂ©gration de la Louisiane dans l’Union amĂ©ricaine en 1803, les deux rĂ©gions se sont Ă©loignĂ©es de leurs origines communes et de leur alignement socioculturel initial. Aujourd’hui, le QuĂ©bec et la Louisiane ont des relations trĂšs diffĂ©rentes avec la langue française ; plus de 95 % des QuĂ©bĂ©cois parlent le français – seule langue officielle du QuĂ©bec depuis 1974 – contre moins de 5 % de la population de la Louisiane (Coletta ; Cummings). Les clivages sociaux et politiques ont Ă©tĂ© rĂ©cemment Ă©largis par un discours contentieux entre les dirigeants du QuĂ©bec et de la Louisiane concernant qui – ou quoi – est Ă  blĂąmer pour le dĂ©clin continu de la langue française dans les deux rĂ©gions. De nombreuses communautĂ©s francophones minoritaires en AmĂ©rique du Nord ont Ă©tĂ© isolĂ©es dans les fissures de cette fragmentation idĂ©ologique et luttent pour atteindre la sĂ©curitĂ© linguistique.

Le QuĂ©bec et la Louisiane se sont rĂ©cemment lancĂ©s dans des entreprises indĂ©pendantes pour revitaliser l’intĂ©rĂȘt pour la langue française au sein de leurs propres sociĂ©tĂ©s. Bien qu’il soit important de reconnaĂźtre le succĂšs de ces efforts – notamment l’augmentation des inscriptions dans l’enseignement du français et l’engagement dans les arts francophones traditionnels – il est tout aussi important d’examiner comment les deux rĂ©gions pourraient revenir Ă  leur unitĂ© historique pour prĂ©server le français Ă  travers des initiatives plus significatives et collaboratives.[A1]  Ce n’est peut-ĂȘtre qu’en reconstruisant leur arbre gĂ©nĂ©alogique francophone que le QuĂ©bec et la Louisiane pourront s’assurer que le français s’épanouira Ă  long terme dans toute l’AmĂ©rique du Nord. Ainsi, ce projet de recherche Ă©tudie les dynamiques des relations linguistiques entre le QuĂ©bec et la Louisiane afin de proposer une orientation possible pour la coopĂ©ration francophone future. Historiquement et actuellement, les Ă©changes francophones entre le QuĂ©bec et la Louisiane ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s plus efficacement par le biais de programmes socioculturels dont la durabilitĂ© dĂ©pend du soutien du public et, dans une plus large mesure, de celui du gouvernement. Cependant, l’absence d’alignement interrĂ©gional sur la politique linguistique suggĂšre que la prĂ©servation conjointe de la langue française continuera Ă  ĂȘtre limitĂ©e aux efforts culturels, crĂ©atifs et Ă©ducatifs du secteur privĂ© Ă  l’avenir.

Stratégies pour la préservation du français au 21Úme siÚcle

L’écart frappant entre les niveaux d’utilisation du français au QuĂ©bec et en Louisiane a Ă©tĂ© soulignĂ© par François Legault, Premier ministre du QuĂ©bec, lors d’un discours controversĂ© en 2022, oĂč il a dĂ©clarĂ© que le QuĂ©bec risquait de perdre son identitĂ© francophone et de « devenir une Louisiane » (Legault dans Chouinard). Le QuĂ©bec a consolidĂ© la domination du français par des lois linguistiques et des politiques socioculturelles depuis les annĂ©es 1960 (Gouvernement du QuĂ©bec, 2008, 21-24). En revanche, le français louisianais a subi des siĂšcles d’effacement et de discrimination linguistique. Pourtant, la Louisiane a mis en place plusieurs programmes d’immersion en français pour les jeunes Louisianais depuis les annĂ©es 1980, a rejoint l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 2018 et a reçu la visite du prĂ©sident français Emmanuel Macron en 2022 (Hero ; France-AmĂ©rique ; ElysĂ©e). GrĂące Ă  ces programmes et initiatives visant Ă  renforcer l’influence francophone, il se peut que la Louisiane soit en train de « devenir un QuĂ©bec ». Bien que le gouvernement du QuĂ©bec ait adoptĂ© une approche plus agressive et prescriptive de la promotion du français que la Louisiane, les deux rĂ©gions ont donnĂ© la prioritĂ© au rĂ©tablissement des liens avec le patrimoine francophone par le biais des arts et de l’éducation, ce qui suggĂšre que la coopĂ©ration future entre les deux rĂ©gions pourrait ĂȘtre plus fructueuse dans les domaines crĂ©atifs et culturels.

Le gouvernement du QuĂ©bec a tentĂ© de maintenir l’identitĂ© francophone de sa province au moyen de stratĂ©gies politiques qui Ă©pousent le monoculturalisme ethnocentrique, tandis que l’État de la Louisiane a adoptĂ© une approche plus flexible de promotion du français Ă  travers ses programmes de diversitĂ© linguistique et de prospĂ©ritĂ© Ă©conomique. François Legault et son parti politique la Coalition Avenir QuĂ©bec (CAQ) ont donnĂ© la prioritĂ© Ă  la prĂ©servation du français en adoptant des lois linguistiques et une politique d’immigration agressives (Moratille). En particulier, la CAQ a adoptĂ© le projet de loi 96 en mai 2022, dans le but « d’affirmer que la seule langue officielle du QuĂ©bec est le français » (QuĂ©bec, Le projet de loi no. 96, 2). La loi renforce la surveillance du gouvernement sur l’utilisation du français dans l’économie quĂ©bĂ©coise et limite la portĂ©e des services civils offerts en anglais (BĂ©lair-Cirino et Carabin). Plus tard dans l’annĂ©e, M. Legault a dĂ©clarĂ© que l’immigration non-francophone au QuĂ©bec est « suicidaire » pour le français et que le QuĂ©bec ne devrait pas accepter plus de 50 000 immigrants par an (Legault dans Boisclair). Pour la CAQ, la meilleure façon de protĂ©ger le patrimoine et la langue française du QuĂ©bec est de restreindre l’utilisation d’autres langues par des mandats et des rĂ©glementations et de limiter la diversification de la population. À l’inverse, la Louisiane n’impose pas l’utilisation du français et promeut plutĂŽt le français comme l’une des langues clĂ©s du secteur touristique et des relations commerciales de l’État. Par exemple, le Conseil pour le dĂ©veloppement du français en Louisiane (CODOFIL) gĂšre l’initiative Oui ! FrancoResponsable, qui soutient les entreprises offrant des services en français aux touristes Ă©trangers, tandis que le Programme de services en langue française de Louisiane fournit des services publics en français et en anglais aux partenaires d’investissement internationaux (Degrave). Dans leurs efforts pour prĂ©server la langue française, les gouvernements du QuĂ©bec et de la Louisiane ont poursuivi des objectifs et des stratĂ©gies de mise en Ɠuvre diffĂ©rents. Alors que le QuĂ©bec a adoptĂ© un programme nationaliste francophone visant Ă  promouvoir le français au dĂ©triment des autres langues par le biais de mandats juridiques, la Louisiane a interprĂ©tĂ© la revitalisation du français comme un effort apolitique pour enrichir la sociĂ©tĂ© et l’économie multiculturelles de l’État. Compte tenu de ces approches inconciliables, il est peu probable que les deux gouvernements puissent dĂ©velopper plus que des occasions occasionnelles de collaborer Ă  cet Ă©gard.

NĂ©anmoins, il existe des similitudes prometteuses entre les stratĂ©gies utilisĂ©es par les deux rĂ©gions dans le domaine socioculturel. Tout d’abord, le QuĂ©bec et la Louisiane dĂ©veloppent leurs programmes d’éducation en français. Au QuĂ©bec, davantage d’agences Ă©ducatives proposent des cours de français aux nouveaux arrivants (Gouvernement du QuĂ©bec, 2023, 20). En Louisiane, le nombre d’enfants frĂ©quentant les Ă©coles françaises a augmentĂ© de 23 % entre 2012 et 2013 (Hero). En outre, on trouve des similitudes dans la promotion des arts et de la culture francophones dans les rĂ©gions. Le QuĂ©bec a constatĂ© un essor de la popularitĂ© des ateliers qui explorent les identitĂ©s francophones Ă  travers la danse et la musique traditionnelles (Fournir). En mĂȘme temps, des organisations louisianaises comme la Fondation Nous ont observĂ© une augmentation du soutien Ă  leurs expositions d’art francophone (Fondation Nous 9). Ces tendances illustrent que ces deux sociĂ©tĂ©s partagent un intĂ©rĂȘt pour la revitalisation du français et de leur patrimoine francophone. Étant donnĂ© que la majoritĂ© de ces programmes Ă©ducatifs et culturels ont Ă©tĂ© dirigĂ©s par des entitĂ©s privĂ©es, il est possible que le QuĂ©bec et la Louisiane s’engagent dans une plus grande coopĂ©ration dans le cadre de ces efforts non officiels.

AprĂšs que M. Legault a lancĂ© son avertissement hostile selon lequel le QuĂ©bec pourrait un jour « devenir la Louisiane », beaucoup ont pensĂ© que la diplomatie linguistique entre les deux rĂ©gions ne serait jamais possible (Legault dans Chouinard). En effet, il paraĂźt qu’il y ait des obstacles importants Ă  la coopĂ©ration gouvernementale. Cependant, en considĂ©rant que la rĂ©cente revitalisation du français dans la sociĂ©tĂ© louisianaise pourrait l’amener Ă  « devenir un QuĂ©bec », il devient Ă©vident que les peuples du QuĂ©bec et de la Louisiane sont alignĂ©s dans leur quĂȘte de promotion de la langue française par des stratĂ©gies socioculturelles. Ainsi, les deux rĂ©gions devraient envisager de mettre en place des programmes d’enseignement du français partagĂ©s ou des initiatives artistiques interculturelles. Avant de tirer des conclusions dĂ©finitives sur les rĂ©sultats de ces efforts conjoints, il est important d’examiner le prĂ©cĂ©dent des Ă©changes culturels entre les deux rĂ©gions. Ce n’est qu’en retraçant l’histoire des relations linguistiques et des dynamiques de pouvoir de la relation « frĂšre-sƓur » entre le QuĂ©bec et la Louisiane que l’on peut identifier les meilleures voies pour une future coopĂ©ration francophone.

L’histoire moderne des Ă©changes francophones

            Depuis des siĂšcles, la sociĂ©tĂ© quĂ©bĂ©coise est intriguĂ©e par la situation de la langue française en Louisiane. DĂšs 1808, un lecteur du journal Le Canadien prend la dĂ©fense des « habitans de la Louisiane » [sic] francophones et affirme qu’ils doivent prĂ©server « leurs coutumes et leurs loix » [sic] aprĂšs ĂȘtre devenus citoyens des États-Unis anglophones en 1803 (Bachand). De mĂȘme, l’identitĂ© et les intĂ©rĂȘts de la population francophone de Louisiane sont liĂ©s Ă  ceux du QuĂ©bec depuis au moins le Grand DĂ©rangement du milieu du XVIIIĂšme siĂšcle, lorsque des milliers d’Acadiens ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s en Louisiane et que beaucoup d’autres se sont rĂ©installĂ©s au QuĂ©bec (Rech). Ces liens ont donnĂ© lieu Ă  une diversitĂ© d’échanges linguistiques entre les deux rĂ©gions au cours de l’histoire, notamment depuis la RĂ©volution tranquille quĂ©bĂ©coise des annĂ©es 1960 et la crĂ©ation du Conseil pour le dĂ©veloppement du français en Louisiane (CODOFIL) en 1968. La collaboration entre le QuĂ©bec et la Louisiane dans le domaine de la prĂ©servation du français a Ă©tĂ© plus efficace par le biais de programmes Ă©ducatifs et culturels, bien que le succĂšs de ces efforts ait Ă©tĂ© largement tributaire du soutien du gouvernement. Ce prĂ©cĂ©dent historique suggĂšre que la coopĂ©ration future entre les deux rĂ©gions en matiĂšre de programmes francophones dĂ©pendra d’une nouvelle intervention gouvernementale et d’une participation accrue du secteur privĂ© (y compris la sociĂ©tĂ© civile et les ONG). 

Les projets pĂ©dagogiques, artistiques et littĂ©raires conjoints du QuĂ©bec et de la Louisiane reprĂ©sentent les efforts les plus rĂ©ussis et les plus dĂ©veloppĂ©s pour prĂ©server la langue française et la culture francophone dans l’histoire de la coopĂ©ration entre les deux sociĂ©tĂ©s. Entre le dĂ©but des annĂ©es 1980 et la fin des annĂ©es 1990, le QuĂ©bec a envoyĂ© en Louisiane prĂšs de 50 enseignants pour encadrer les Ă©coles d’immersion française nouvellement créées (Hero 236). Cet effort direct pour promouvoir la visibilitĂ© et l’attrait du français en Louisiane a Ă©tĂ© trĂšs fructueux. À titre d’exemple, en 1984, le systĂšme scolaire français en Louisiane comptait 45 000 Ă©lĂšves avec 43 % de son personnel enseignant venant du QuĂ©bec, de la Belgique, de la France et d’autres rĂ©gions francophones (Henry 65). L’intĂ©rĂȘt mutuel du QuĂ©bec et de la Louisiane pour la prĂ©servation du français a donc permis Ă  une nouvelle gĂ©nĂ©ration de Louisianais de renouer avec leur hĂ©ritage francophone et de sensibiliser le QuĂ©bec Ă  la renaissance du français en Louisiane. Le QuĂ©bec et la Louisiane se sont Ă©galement unis pour explorer l’intersection de la langue française et des cultures quĂ©bĂ©coise, cajun et crĂ©ole Ă  travers des Ă©changes artistiques. Par exemple, LĂ©o LeBlanc, qui fut le premier dĂ©lĂ©guĂ© du QuĂ©bec en Louisiane, a contribuĂ© Ă  la crĂ©ation du premier festival de musique cajun en 1974, et la premiĂšre anthologie de poĂ©sie louisianaise francophone publiĂ©e depuis le dĂ©but du XIXĂšme siĂšcle – Cris sur le bayou – est le rĂ©sultat d’une collaboration entre des auteurs quĂ©bĂ©cois et louisianais (Ancelet 22-23). 

            Cependant, il est important de reconnaĂźtre que la grande majoritĂ© des partenariats constructifs entre le QuĂ©bec et la Louisiane ont Ă©tĂ© initiĂ©s par des entitĂ©s gouvernementales dĂ©pendant d’une aide gouvernementale continue et d’un accord politique entre les deux rĂ©gions. Notamment, ce n’est qu’aprĂšs l’ouverture du premier consulat du QuĂ©bec Ă  Lafayette en 1971 que les programmes d’échanges d’enseignants ont pris de l’ampleur (Henry 64). Un autre Ă©vĂ©nements multiculturels important tel que le colloque de la Rencontre des Francophones peut Ă©galement ĂȘtre attribuĂ© aux efforts de coordination du CODOFIL et du consulat du QuĂ©bec (Ancelet 22-23). Pourtant, cette pĂ©riode de lune de miel d’une diplomatie linguistique sans friction n’a Ă©tĂ© que temporaire. À partir de la fin des annĂ©es 1980, avec la nouvelle orientation du gouvernement libĂ©ral de Robert Bourassa, le consulat du QuĂ©bec en Louisiane subit une sĂ©rie de dĂ©gradations, jusqu’à sa fermeture complĂšte en 1992 (Henry 66). Au cours de cette pĂ©riode, la politique de coopĂ©ration culturelle du QuĂ©bec avec la Louisiane est remplacĂ©e par une approche ad hoc et les taux d’inscription dans les Ă©coles françaises de Louisiane diminuent (Henry 65). Bien que les deux rĂ©gions se soient rĂ©cemment influencĂ©es sur le plan culturel par le biais de festivals et de confĂ©rences, la base de ressources et la nature systĂ©matique de ces efforts se sont effondrĂ©es sans le soutien du gouvernement (UniversitĂ© Sainte Anne). Ainsi, le succĂšs de la coopĂ©ration du XXIĂšme siĂšcle entre le QuĂ©bec et la Louisiane au nom de la Francophonie nĂ©cessitera probablement une harmonisation des politiques linguistiques des deux gouvernements et un soutien public et privĂ© accru aux initiatives des ONG. 

Collaboration récente pour la promotion de la langue française

            Les partenariats linguistiques entre le QuĂ©bec et la Louisiane ont continuĂ© Ă  Ă©voluer depuis leur point bas de la fin des annĂ©es 1990 jusqu’à prĂ©sent, prenant de nouvelles formes et s’adressant aux jeunes gĂ©nĂ©rations de QuĂ©bĂ©cois et de Louisianais. Une analyse des relations francophones actuelles entre le QuĂ©bec et la Louisiane rĂ©vĂšle que les collaborations culturelles et Ă©ducatives gagnent en popularitĂ© et en portĂ©e. On peut donc conclure que les efforts futurs du QuĂ©bec et de la Louisiane pour promouvoir leur identitĂ© francophone peuvent ĂȘtre mieux rĂ©alisĂ©s grĂące Ă  des initiatives du secteur privĂ© et Ă  un engagement continu auprĂšs des publics francophones et francophiles. Cependant, l’expansion et le maintien Ă  long terme de ces collaborations non officielles dĂ©pendent d’un accord interrĂ©gional sur la politique linguistique qui fait actuellement dĂ©faut, ce qui laisse supposer que tout progrĂšs unifiĂ© vers la prĂ©servation du français sera freinĂ© Ă  l’avenir.

Le QuĂ©bec et la Louisiane s’engagent de plus en plus dans des Ă©changes artistiques, littĂ©raires et acadĂ©miques qui explorent des thĂšmes tels que le patrimoine francophone, l’identitĂ© linguistique et l’appartenance culturelle, indiquant que ces efforts reçoivent un fort soutien du public et seront des modes rĂ©ussis de prĂ©servation du français collaboratif Ă  long terme. Des festivals interculturels rĂ©cents tels que le Festival Trad-Cajun Ă  QuĂ©bec et le My French Book Fest ! Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans rĂ©unissent les Ɠuvres d’artistes, de musiciens et d’auteurs quĂ©bĂ©cois et louisianais et permettent au public de mieux comprendre l’importance continue de la langue française en AmĂ©rique du Nord (Tremblay ; Alliance Française). À plus petite Ă©chelle, des organisations culturelles Ă  but non lucratif telles que la Fondation Nous et l’Alliance Française organisent souvent des ateliers linguistiques qui mettent en lumiĂšre les riches intersections des cultures et histoires francophones du QuĂ©bec et de la Louisiane. Bien que bon nombre de ces efforts du secteur privĂ© manquent encore d’un soutien organisationnel et financier suffisant, leur popularitĂ© a rĂ©cemment augmentĂ© de maniĂšre significative, comme en tĂ©moigne l’augmentation de plus de 25 % du trafic touristique entre les deux rĂ©gions depuis 2010 (Vanasse). Il est donc clair que l’avenir de la collaboration linguistique entre le QuĂ©bec et la Louisiane continuera Ă  dĂ©pendre largement de la promotion de ces initiatives communautaires et non officielles.

Les gouvernements du QuĂ©bec et de la Louisiane ont fait des efforts limitĂ©s pour soutenir les initiatives de prĂ©servation du français au cours des derniĂšres annĂ©es, mais le dĂ©saccord des rĂ©gions sur la politique de la langue française suggĂšre que des Ă©changes francophones systĂ©matiques seront difficiles Ă  rĂ©aliser dans un avenir proche. Depuis sa fondation en 2015, l’Association parlementaire QuĂ©bec-Louisiane dirige la majoritĂ© des collaborations socio-culturelles officielles entre les deux rĂ©gions, qui ont rĂ©cemment pris la forme de plans stratĂ©giques pour renforcer les Ă©changes Ă©ducatifs et touristiques (QuĂ©bec, 3e Session). Le CODOFIL et le Centre de la francophonie des AmĂ©riques (basĂ© Ă  QuĂ©bec) ont Ă©galement renforcĂ© leurs relations en collaborant au RĂ©seau des villes francophones et francophiles d’AmĂ©rique, un programme qui a cĂ©lĂ©brĂ© l’histoire des villes francophones d’AmĂ©rique du Nord jusqu’à sa dissolution en 2021 (Boutroy). Si ces efforts peuvent apparaĂźtre comme des signes prometteurs d’unitĂ© politique entre le QuĂ©bec et la Louisiane, les deux gouvernements ont des conceptions trĂšs diffĂ©rentes du rĂŽle de la langue française dans la sociĂ©tĂ©. Comme l’a expliquĂ© Thomas Cauvin, professeur d’histoire Ă  Colorado State University[A2] , la prĂ©servation du français est considĂ©rĂ©e comme une tĂąche familiale et culturelle en Louisiane, alors qu’au QuĂ©bec, le français est un droit politique « pour lequel il faut se battre » (citĂ© dans Archambeau). On peut supposer qu’une expansion significative des efforts actuels pour promouvoir la francophonie nord-amĂ©ricaine nĂ©cessiterait un alignement de ces idĂ©ologies. Pourtant, un tel accord ne semble pas probable compte tenu des tensions politiques rĂ©centes sur le phĂ©nomĂšne de la « louisianisation », un terme utilisĂ© pour dĂ©crire le processus d’adoption de la langue dominante d’un pays au dĂ©triment de la langue historique principale d’une rĂ©gion, comme cela s’est produit historiquement en Louisiane (Bachand). Dans des discours rĂ©cents, François Legault a mis en garde contre la « louisianisation », qu’il considĂšre comme une menace pour l’avenir francophone du QuĂ©bec, Ă  la dĂ©sapprobation de nombreux Louisianais et QuĂ©bĂ©cois francophones (Stevenson). Par exemple, Joseph Dunn, directeur du CODOFIL de 2011 Ă  2014, a affirmĂ© dans un blog datant de 2022 que les remarques de M. Legault niaient « la richesse de l’expĂ©rience franco-louisianaise » et sapaient les efforts du QuĂ©bec pour s’engager auprĂšs des communautĂ©s francophones d’AmĂ©rique du Nord (Dunn). Cette discorde politique entre le QuĂ©bec et la Louisiane indique que la coopĂ©ration linguistique se limitera aux Ă©changes culturels Ă  petite Ă©chelle qui peuvent prospĂ©rer avec peu de ressources gouvernementales.

Conclusion

Les frĂšres et sƓurs ont tendance Ă  grandir et, dans certains cas, Ă  s'Ă©loigner les uns des autres. Cela a certainement Ă©tĂ© le cas pour le QuĂ©bec et la Louisiane. Avec la vente de la Louisiane en 1803, la Louisiane a coupĂ© beaucoup de ses liens officiels avec le QuĂ©bec et est devenue une partie des États-Unis anglophones. Au fil des siĂšcles, cette dĂ©rive a Ă©tĂ© accĂ©lĂ©rĂ©e par l’immigration, les mĂ©dias de masse, les dĂ©sĂ©quilibres politiques et divers autres facteurs. Aujourd’hui, l’état des relations linguistiques entre le QuĂ©bec et la Louisiane montre que les Ă©changes socioculturels restent le moyen le plus populaire de revitaliser l’intĂ©rĂȘt du public pour la langue française dans les deux sociĂ©tĂ©s. Cependant, mĂȘme si le soutien public Ă  la coopĂ©ration augmente, le problĂšme du conflit politique qui empĂȘche le dĂ©veloppement d’une diplomatie linguistique durable entre le QuĂ©bec et la Louisiane persiste. Ainsi, les deux rĂ©gions peuvent mieux promouvoir la langue française en soutenant des initiatives qui nĂ©cessitent peu de soutien politique pour avoir un large impact. Par exemple, les programmes d’échanges universitaires, les expositions d’art et les forums littĂ©raires peuvent continuer Ă  favoriser des Ă©changes intellectuels et culturels vitaux entre le QuĂ©bec et la Louisiane s’ils sont fermement soutenus et si on les promeut efficacement. Ce n’est qu’en investissant dans de tels petits pas dans le prĂ©sent que la Louisiane et le QuĂ©bec pourront prĂ©server une coopĂ©ration et une affinitĂ© francophones fortes pour les gĂ©nĂ©rations Ă  venir.

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